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dimanche 10 mars 2013

Réaction: Apple, le feu vert et le buffet


Apple, le géant de l’électronique et du marketing de masse, a récemment été pris pour cible par l’un des ses investisseurs. Décrit par les medias français, le sujet est devenu le combat du capitalisme de bon père de famille contre la monstruosité de l’actionnariat de court terme. Pourtant, cette vision est bien loin du compte et une petite mise en perspective s’impose.

Fin février, David Einhorn, le gérant du hedge fund Greenlight Capital, s’est mis en tête de réclamer à Apple le paiement de dividendes pour tous ses actionnaires. Malgré sa participation relativement modeste de 0,14%, son influence est grande à Wall Street et ses choix d’investissements, qu’il rend public, font bouger le marché à tous les coups, ce qui lui confère une aura de gourou de la finance.

Flickr (c) -MATEUS_27
Par la suite, Warren Buffett, investisseur mythique et l’un des hommes les plus riches du monde, se mêle de donner son avis sur le sujet, avec lequel il n’a rien à voir (il ne possède pas de parts dans Apple semble-t-il et n’a pas investi dans le fond Greenlight), comme il aime à le faire. Il conseille à Tim Cook, le PDG d’Apple d’ignorer les attaques (qui ont fini par s’arrêter) et de se concentrer sur la création de valeur, suggérant une stratégie d’investissement ambitieuse. Cette recommendation n'est pas vraiment étonnante de la part de Buffett car son conglomérat, Berkshire Hathaway, n’a jamais versé de dividendes et pratiquement jamais racheté d’actions: les gains pour les actionnaires proviennent seulement de la croissance organique de l’entreprise et du cours de Bourse qui s’ensuit.

En France, on s’est empressé de s’extasier sur la sagesse de l’Oracle d’Omaha (la ville d'origine de Buffett). Cependant, quelle est l’origine de la pile de liquidités qu’Apple a entre les mains? Elle est bien sûr le fruit de son énorme succès au cours de la dernière décennie. Mais elle est aussi le résultat de colossales stratégies d’évitement fiscal. Car en laissant leurs profits obtenus en dehors des Etats-Unis bien au chaud dans des paradis fiscaux sans jamais les rapatrier, les firmes multinationales américaines, en premier lieu desquelles Apple, accumulent du cash (1 200 milliards à l’heure actuelle selon Bloomberg) tout en minimisant leurs impôts. Ce qui ne correspond clairement pas à la définition du capitalisme de papa…

D’où la fronde des actionnaires : tant que le cours de Bourse montait, ceux-ci ne trouvaient rien à redire à ce fonctionnement improductif. Cependant, maintenant qu’il pique du nez, l’idée est de récupérer ce cash qui dort quelque part dans les Caraïbes, pour l’investir ailleurs dans des projets plus rentables.

En tout état de cause, il est clair qu’on ne parle pas ici d’un combat entre le gentil créateur et le vil financier, sous l’œil paternel et bienveillant de Warren Buffett. On parle ici de gros sous et de lutte de pouvoirs entre des gens qui savent très bien ce qu’ils font et mettront en œuvre pour arriver à leur but…

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