Random phrase

jeudi 14 septembre 2017

Pendant ce temps là... (09/17)

Deuxième édition d'une série (pour le moment très ponctuelle) qui regarde ce qu'il se passe ailleurs sur la toile. Aujourd'hui dans l'éconosphère américaine, les bloggeurs se demandent pourquoi les entreprises ont l'air de se faire autant d'argent aux Etats-Unis.

Une histoire belge

Ca plane pour moi !
Le débat part d'un papier tout frais par deux économistes belges, qui analysent l'évolution historique des taux de marge aux Etats-Unis (le taux de marge mesure dans quelle proportion un produit est vendu plus cher que ce qu'il a coûté à fabriquer - ceci sert ici de mesure du surprofit des entreprises). Ils montrent que ces marges ont explosé ces dernières années, passant de 18% à 67%. Selon des mesures similaires, cela correspondrait aujourd'hui à 1 500 milliards de dollars ! Un joli magot...

Les auteurs attribuent ce phénomène à l'accroissement de la capacité des entreprises à augmenter leurs prix sans perdre de clients, ce qu'on appelle leur pouvoir de marché. Une entreprise comme Apple par exemple a une telle image de marque qu'elle peut facturer ses téléphones relativement plus chers que ceux de ses concurrents malgré une technologie similaire. Ces prix plus élevés s'accompagnent en général d'un double effet Kiss Cool, car ils sont souvent obtenus en réduisant les volumes produits, ce qui crée un effet de rareté.

Pour nos amis d'outre-Quiévrain, le corollaire de cette hausse du pouvoir de marché des entreprises est une baisse de l'investissement (car les entreprises ont moins besoin de se forcer pour faire du profit), une baisse de la part du travail dans la valeur ajoutée, une croissance plus faible (à cause de la baisse des investissements) et in fine une hausse des inégalités (parce que la possession du capital est très concentrée). Bref, r > g le retour !



Un poil de mauvaise foi...

Sur internet, le débat tourne essentiellement autour de savoir si ce phénomène est aussi néfaste que présenté. Les plus libéraux argumentent que c'est simplement le revers de la médaille de l'augmentation du choix pour les consommateurs. En effet les modes de consommation sont de plus en plus personnalisés et le choix de produits toujours plus grand (ce qui est pour eux trivialement un bienfait même si on peut en douter). Cette segmentation a pour effet de permettre aux entreprises de réduire l'intensité de la concurrence en se positionnant sur des marchés similaires mais distincts au lieu de s'affronter directement sur des gammes identiques (ce que les économistes appellent la concurrence monopolistique). Bref, un bien pour un mal, match nul, balle au centre.

Pour The Economist, le débat est considéré sous l'angle des monopoles internet, argumentant que la fourniture de biens et services gratuits, ajoutée aux effets de réseaux ainsi obtenus, sont bénéfiques pour le consommateur, sans que les effets néfastes d'une concurrence réduite ne soient avérés. Chez Economiam on est moyennement convaincus, et on a déjà donné les objections à ce point de vue dans ce post sur les monopoles.



On prend cher

Dans ce débat, comme souvent, c'est Noah Smith du blog Noahpinion qui a l'argumentation la plus claire et la plus précise, en l'occurrence pour soutenir la position du papier à l'origine du débat. En réponse aux autres bloggeurs, il rappelle un résultat économique de base : la concurrence monopolistique est suboptimale pour le consommateur ! Puis il liste les éléments de la recherche récente qui pointent vers un changement de la structure compétitive aux Etats-Unis qui favoriserait les entreprises et leurs profits. En effet, on observe les faits suivants qui concordent avec cette interprétation :

  • Augmentation de la concentration : un nombre de plus en plus restreint d'entreprises contrôle une part de marché de plus en plus grande
  • Augmentation des marges et profits (comme décrit plus haut)
  • Réduction de l'investissement
  • Régulation antitrust moins effective 

En résumé, il semble bien se produire un changement profond aux Etats-Unis, au détriment du consommateur. A quand la même étude pour la France ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire